par Mathieu Guénette, c.o, directeur des services professionnels chez Brisson Legris
Photo par: Annie Desrochers
Avec la passion, ça ne se passe pas toujours comme on veut
Avez-vous vu le documentaire « Anvil! The Story of Anvil »? À première vue, on pourrait croire que cet excellent film ne fait que relater l’histoire du groupe de musique heavy metal canadien Anvil. Pourtant, dans les faits, il porte davantage sur la notion de persévérance que sur ce type de musique.
D’entrée de jeu, le documentaire retrace une super tournée ayant eu lieu au Japon en 1984 et regroupant quatre groupes rock : Scorpions, Whitesnake, Bon Jovi et… Anvil. L’histoire veut qu’à la suite de cette grande aventure les trois premières formations aient vendu des millions de disques et connu un succès monstre alors que la popularité d’Anvil n’a pas connu le même sort.
Les membres du groupe se sont malgré tout acharnés, sans relâche, à poursuivre leur rêve. Ils ont persisté dans leur détermination tout en acceptant des petits boulots, en construction ou en livraison, afin de payer leur loyer.
Une des scènes du film m’a particulièrement bouleversé : le leader du groupe, Steve « Lips » Kudlow, se voit contraint de se faire soutenir financièrement par sa sœur plus fortunée… et il pleure. Troublant de voir des larmes d’humiliation sur le visage de ce grand bonhomme à l’allure invulnérable.
Le documentaire présente également l’entourage de Robb « Robbo » Reiner, le batteur et ami d’enfance de Steve. Beaucoup de ce beau monde est convaincu que la vie envoie un message clair aux membres d’Anvil et qu’ils auraient dû jeter la serviette depuis longtemps.
Et pourtant! La fin du documentaire est digne d’un vrai film de Walt Disney… du Walt Disney metal, bien entendu! On y voit le groupe Anvil performer au Japon dans un auditorium plein à craquer. Mais il faut bien se rendre à l’évidence : dans la vie, toutes les histoires n’aboutissent pas nécessairement ainsi.
En tant que conseiller d’orientation, je peux vous affirmer que ce n’est pas l’apanage des groupes rock de se demander s’il faut s’en tenir à son plan initial, s’accrocher contre vents et marées ou recourir à un plan B. Nombreuses sont les personnes qui sont confrontées à ce type de dilemme.
Ainsi… Jonathan rêve d’être pompier depuis son enfance, mais il vient d’être refusé pour une troisième fois dans ce programme d’étude, car il ne réussit pas au test de sélection. Christine, quant à elle, rêve d’être comédienne, mais n’a jamais réussi à obtenir de rôle, si ce n’est une apparition dans une publicité. Et que dire de Louis, dont l’entreprise connaît de grandes difficultés et qui risque la faillite s’il ne trouve pas de solution pour attirer plus de clients?
Du côté de l’émotion
Dans l’absolu, il n’existe jamais de bonne ou de mauvaise réponse à la question : dois-je poursuivre mon idéal ou emprunter une autre voie? C’est à chaque personne de trouver la solution la plus réaliste pour elle.
De plus, ce questionnement n’est pas qu’une affaire de tête, il peut aussi ébranler nos convictions. En effet, quand nous constatons que notre rêve ne se concrétisera peut-être jamais, nous passons par toute une gamme d’émotions. Le fait que nous n’ayons pas réussi à réaliser ce que d’autres sont parvenus à faire peut blesser notre orgueil et nous amener à penser que nous avons moins de talent que les autres. Puis, il y a la tristesse. Pas juste celle de ne pas accomplir notre rêve, mais celle, pour un temps, de ne plus avoir de but, de ne plus rien espérer. L’absence de motivation, la déception, la perte d’estime de soi peuvent entraîner une foule de sentiments négatifs, voire mener à la dépression.
Toutes ces émotions ne sont évidemment pas faciles à supporter, mais c’est important de les vivre et de demeurer lucide face à ce que nous éprouvons. Quand nous faisons semblant que tout va bien même si ce n’est pas vrai, quand nous mentons à nous-mêmes pour éviter la douleur, nous risquons de ressentir plus tard un mal encore plus important.
Du côté de la logique
S’il est bénéfique de reconnaître la présence d’une émotion, cela ne veut pas dire qu’il faut pour autant accepter tout ce qu’elle nous fait ressentir. Lorsque nous traversons des moments difficiles, nos perceptions déforment la réalité de ce que nous vivons et il peut alors être aidant de se faire conseiller par une personne neutre.
Certaines personnes, au moment où elles constatent que leur rêve est inatteignable, perçoivent leur situation comme un échec. Personnellement, je n’aime pas le mot « échec ». Il me fait penser au Game Over qui apparaît à la fin d’un jeu vidéo. C’est un mot qui a quelque chose de trop définitif, qui ne laisse aucune place à la nuance, à l’apprentissage.
Une démarche d’orientation aide souvent les gens à percevoir leur situation d’un autre œil. Elle peut les amener à approfondir leur réflexion et à pousser leur raisonnement plus loin, quelle que soit l’option qu’ils envisagent.
Si nous décidons de persister dans l’atteinte de notre rêve :
Quels sont les plus grands obstacles que nous devrons surmonter? Que peut-on faire de différent? Quelles sont les caractéristiques de ceux qui réussissent dans le domaine que nous avons choisi? Sont-ils seulement plus chanceux que nous? Est-ce qu’il y a des habiletés particulières à développer? Quel est notre plan? Est-ce que nous devrions nous doter d’un échéancier?
Supposons que je suis Jonathan et que je veux toujours devenir pompier : est-ce que je pourrais acquérir des outils ou recevoir de l’aide afin de mieux performer aux tests de sélection? Supposons que je suis Louis et que j’ai des difficultés avec mon entreprise : est-ce que mes concurrents rencontrent les mêmes problèmes que moi? Si oui, comment s’y prennent-ils pour s’en sortir? Est-ce que je pourrais développer un nouveau marché plus lucratif?
Si nous décidons d’opter pour un plan B :
Est-ce que nous pouvons nous inspirer de notre premier choix pour explorer d’autres avenues? Quels sont les critères auxquels répondait notre choix initial? Quels sont nos besoins fondamentaux? Quelle est notre stratégie pour identifier de nouvelles options? Comment allons-nous gérer la perception de notre entourage?
Supposons que je suis Christine, aspirante comédienne : est-ce que je pourrais trouver le même plaisir dans un autre métier? Qu’est-ce qui me plaît dans le travail de comédienne? Pourrais-je être heureuse dans un autre secteur comme l’enseignement, par exemple?
Dans une réflexion d’orientation, comme dans la vie en général d’ailleurs, ce qui importe n’est pas tant la réponse, mais la façon de se poser la question.